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et faisoit conscience de rien : attendu qu'eux tous, et lui-même le premier, qui consacroit chacun jour en la messe le corps de Notre - Seigneur, n'eût fait scrupule de le tuer, ores qu'il eût été à l'autel, tenant en main le pré­cieux corps de Dieu.
Le dimanche dernier d'avril, le roy de Navarre, après avoir été mandé du Roy et s'être acheminé avec petite troupe, passa la riviere pour venir trouver Sa Majesau Plessis-lez-Tours. Au passage de la riviere, il dit à un des siens qui lui vouloit donner quelque ombrage pour ce qu'il alloit faire : « Dieu m'a dit que « je passe et que je voise. U n'est en la puissance de « l'homme de m'en garder, car Dieu me guide et passe « avec moy. Je suis assuré de cela; et si me fera voir « mon Roy avec contentement, et trouver grace devant « luy : » comme il advint. Il est incroyable la joye que chacun montra dans cette entrevue ; et il s'y trouva telle foule de peuple, que nonobstant tout l'ordre qu'on essaya d'y donner, les deux Roys furent un grand quart d'heure dans l'allée du parc du Plessis à se tendre les bras l'un à l'autre sans se pouvoir joindre; pendant lequel temps tous crioient avec grande force et exalta­tion : vive ie Rojrl vive le roy de Navarre! vivent les Roys 1 Enfin s'étant joints, ils s'embrassèrent très-amoureusement , même avec larmes. Le roy de Na­varre se retirant le soir, dit: cc Je mourrai content s-ce ormais, puisque Dieu m'a fait la grace de voir la « face de mon Roy. »
En ce temps, le Roy ayant reçu nouvelles que le Pape le vouloit excommunier, et en ayant ru avis de Rome, assembla son conseil, et y proposa trois moyens possibles et faisables pour rompre ce coup et
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